Le retour des néonicotinoïdes
Alors que la jaunisse provoque de graves dégâts cette année, les coopératives ont salué unanimement la décision du ministre de l’Agriculture en faveur d’une dérogation pour le recours aux néonicotinoïdes sur betteraves. Par Blandine Cailliez
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A près des mois de mobilisation pour tenter d’obtenir une dérogation pour l’utilisation des néonicotinoïdes en traitement de semences contre la jaunisse, la CGB, les industriels et l’ensemble de la filière betteraves ont obtenu gain de cause, ou presque. Julien Denormandie, ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, a en effet pris la décision le 6 août de proposer aux députés une modification législative permettant d’activer cette dérogation, car les néonicotinoïdes constituent le seul moyen de lutte réellement efficace contre les pucerons, vecteurs de la jaunisse. Plus précisément, le ministre prévoit de modifier « l’article 53 du règlement européen n°1107/2009, afin de pouvoir prendre une dérogation de 120 jours pour l’emploi de ces insecticides en traitement de semences, dans des conditions strictement encadrées ». D’autres pays européens, confrontés aux mêmes difficultés, le font depuis deux ans.
Une impasse technique
Cette décision a été saluée unanimement par l’ensemble des coopératives concernées. « Cette année, la filière betteravière française est confrontée à une grave crise sanitaire liée à une invasion de pucerons vecteurs du virus de la jaunisse, explique Olivier de Bohan, président de la coopérative de Champagne-Ardenne Cristal Union et de la FCB, Fédération des coopératives betteravières. À la suite de l’interdiction des produits de traitement des semences prévue par la loi biodiversité en 2018, les betteraviers n’ont aujourd’hui aucune solution efficace pour protéger leurs plantations. Sans solution de protection efficace contre la jaunisse, c’est toute la filière betteravière française qui était condamnée et, au-delà, la souveraineté agricole de la France et la préservation d’un outil industriel fort. » Pour lui, il ne s’agit pas de remettre en question l’indispensable transition écologique, mais de permettre aux producteurs de betteraves et aux industriels qui les transforment d’être les acteurs de cette transition et non les victimes.
Du bon sens et du pragmatisme
Le gouvernement a prévu d’obtenir cette modification législative dès cet automne, afin d’introduire la dérogation en France pour les semis 2021 et, si nécessaire, jusqu’en 2023. La dérogation sera aussi soumise à des conditions strictes d’utilisation, uniquement dans l’enrobage des semences, et il sera interdit de semer des cultures attractives de pollinisateurs, après les betteraves. Le ministre a également prévu une indemnisation des agriculteurs en cas de pertes de rendement importantes cette année, ainsi qu’un budget de 5 M€ alloué à la recherche pour accélérer l’identification d’alternatives véritablement efficaces contre la jaunisse.
« Les transitions s’inscrivent dans un temps long, souligne Dominique Chargé, président de la Coopération agricole. Elles nécessitent des moyens importants en recherche et innovation et un accompagnement de la production. Cet exemple est un cas concret du bon sens et du pragmatisme qu’il ne faut pas perdre de vue dans la mise en œuvre des transitions. »
De vives réactions
Si cette annonce du ministre de l’Agriculture rassure les filières betteravières, et a reçu l’assentiment de la ministre de l’Écologie, Barbara Pompili, elle a immédiatement fait réagir bon nombre d’associations. L’Unaf, l’union nationale de l’apiculture française, a adressé le 5 août un courrier au Premier ministre, au ministre de l’Agriculture et à la ministre de l’Écologie afin de ne pas déroger à l’interdiction des néonicotinoïdes. Générations Futures a lancé le 7 août une pétition contre la dérogation, qui avait recueilli, selon l’association, 115 000 signataires le 20 août. Dix-huit organisations et associations ont adressé, le 20 août, au ministre de l’Agriculture une lettre de protestation cosignée et demandent aux parlementaires de refuser d’accorder leur soutien à la proposition de modification de la législation. L’eurodéputé socialiste français Éric Andrieu a demandé, le 26 août, à la Commission européenne, de suspendre le principe d’une dérogation, soulignant que la crise betteravière était ailleurs. Reste donc maintenant à la filière betterave à obtenir l’accord d’une majorité de députés français et à ce que le principe de dérogation ne soit pas remis en cause à Bruxelles.
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